Le contexte, tant macro que micro-économique est idéal : c’est le moment où jamais de prendre le train de la révolution digitale. L’avenir appartiendra aux dirigeants qui parviendront à se libérer des réflexes défensifs et sauront faire preuve d’audace.
Un taux de 6% de croissance en France attendu par l’Insee : du jamais vu depuis la crise pétrolière ! Quelques 18 mois auront suffi pour absorber les effets de la pandémie, à grand renfort (240 milliards d’euros) d’aides publiques injectées dans l’économie.
Après un plongeon de 8% l’an dernier, l’objectif de retrouver le niveau du PIB d’avant crise à la fin 2021 est désormais à portée de main.
La France repart vers la croissance. Ce pronostic n’est pas un vœu pieux. Il est confirmé par l’analyse des principaux indicateurs macro-économiques, quasiment tous orientés dans la bonne direction. Une conjoncture flatteuse, comme rarement dans l’histoire récente.
La consommation des ménages se stabilise à un niveau élevé et l’emploi repart
Soutenue par les aides à l’activité partielle, la consommation des ménages a rebondi au deuxième trimestre. Malgré un trou d’air en juillet (-2,2%), les dépenses des ménages se maintiennent à un niveau de 47 milliards d’euros, équivalent à celui d’avant crise.
Les perspectives du côté des dépenses sont bonnes, car l’emploi salarié a bien résisté à la crise. Progressant de 1,2 % entre fin mars et fin juin, soit 239 500 créations nettes, selon l’estimation provisoire publiée hier par l’Insee, l’emploi a retrouvé son niveau d’avant-crise plus vite que prévu.
En outre, le taux d’épargne des ménages a considérablement augmenté ces derniers mois : l’épargne représente désormais 21,3% des revenus disponibles, un niveau jamais égalé en France depuis 1975 ! Ce pactole (d’un montant une fois et demie supérieur au plan de relance gouvernemental depuis le début de la crise sanitaire) pourrait venir irriguer l’économie au cours des prochains mois.
La trésorerie est abondante, mais à quoi sera-t-elle employée ?
De leur côté, les dirigeants n’ont aucunement mis le pied sur la pédale de frein, avec des investissements en hausse de 2,4% au deuxième trimestre, après +1,1% au premier, au point de retrouver cet été les niveaux d’avant crise.
Certes, certains secteurs restent très affectés par la crise du Covid comme le tourisme, les transports, l’hôtellerie ou l’événementiel. A l’inverse, d’autres en ont profité et vu leur marché littéralement exploser. Ceux-là consolident aujourd’hui ces gros volumes d’activité.
Une chose est sûre, au plan macro-économique, la situation des entreprises a rarement été aussi positive : la production manufacturière se redresse (+7,5% en juin en glissement annuel) et la demande adressée à l’industrie se raffermit (+2% sur un trimestre glissant), alors même que les entreprises font face à des difficultés de plus en plus importantes d’approvisionnement.
Autre raison de se réjouir : les ruptures de “cash” ont pu être évitées, dans la majeure partie des entreprises qui n’étaient pas en situation difficile avant crise : en France globalement, les réserves de liquidités des entreprises ont au contraire fait un bond de 184 milliards d’euros en 2020.
Les réserves de “cash” en France sont désormais plus élevées qu’au Royaume-Uni ou en Italie. L’action publique a été là aussi décisive, puisqu’au total les 130 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) ont profité à 630 000 entreprises tricolores.
Résultat : les trésoriers n’ont jamais été aussi nombreux à juger la situation de leur trésorerie d’exploitation “aisée”, selon une enquête que mène l’AFTE depuis 2005. Encore une fois, cette situation doit être relativisée au travers d’un prisme sectoriel. Le secteur manufacturier a notamment été favorisé par rapport aux secteurs touchés de plein fouet par la crise.
La crise et les mesures qui en ont découlé auront au moins eu ce mérite : restaurer -peut-être provisoirement- les réserves de liquidités des entreprises françaises.
Reste à savoir comment celles-ci seront employées à l’avenir…
La transformation digitale a été accélérée à plusieurs niveaux des entreprises
Autre phénomène notoire apparu durant ces mois de “crise Covid” : nombre de dirigeants ont profité de la période pour accélérer la bascule numérique de leur entreprise. Nous avons gagné 10 ans dans la digitalization tant dans les échanges avec le consommateurs que dans les modes de travail.
Cette transformation a été menée à plusieurs niveaux :
- la relation client-fournisseur, avec notamment le recours aux ERP spécialisés, collaboratifs et ouverts aux partenaires fournisseurs, ou encore l’adoption des technologies “big data” permettant de recueillir et analyser des données client et de développer un marketing personnalisé.
- les modes de management, avec l’adoption d’outils de télétravail, mais aussi l’adoption du cloud, la dématérialisation des données et du traitement de l’information, la digitalisation des processus métiers.
- les modes de distribution et de commercialisation, qui passent désormais par de nombreux points de contact e-commerce : plateformes marchandes, médias sociaux, mobile…
Le bilan des entreprises ayant opéré ce virage est sans appel : 41 % des dirigeants considèrent que le recours à des modèles d’exploitation axés sur le digital a été essentiel pour maintenir leurs parts de marché dans cette période de pandémie. Mais 90 % des entreprises n’ont pas encore atteint leurs objectifs en matière de transformation numérique.
Les bénéfices découlant de la digitalisation sont nombreux :
- baisse des coûts de production qui dégage un potentiel de croissance
- meilleure fluidité des process
- maximisation des opportunités client
- qualité des expériences numériques offertes aux clients, employés et partenaires commerciaux
- sécurité renforcée face à la cybercriminalité
- …
Toutefois, la transition digitale concerne avant tout les grandes entreprises et les ETI, alors que les PME et TPE se sentent encore peu concernées. La digitalisation est l’enjeu cité en dernier parmi les priorités des dirigeants d’entreprises de 10 à 249 salariés.
Des fonds géants levés pour financer le développement des sociétés technologiques
Dans ce contexte de digitalisation de l’économie, l’explosion de la “French Tech” est tout sauf anecdotique. Les startups tricolores n’ont jamais levé autant de fonds qu’au premier semestre 2021 : 4,5 milliards d’euros !
On semble bien parti pour atteindre le cap des 10 milliards cette année, contre un montant de 5,4 Md€ en 2020. Ce qui placerait la France à la deuxième place européenne, derrière le Royaume-Uni et devant l’Allemagne.
Aujourd’hui, bien que la majorité des levées en capital-risque se situe autour de 50 millions, les montants peuvent atteindre des sommets. Le 5 août dernier, la startup française Dataïku, spécialisée dans l’analyse de données via l’intelligence artificielle, a levé 400 millions, portant sa valorisation à 4,6 milliards. De tels exemples se multiplient, à l’image de ces trois startups:
- Sorare : 680 M$ levés
- ContentSquare : 408 M€ levés
- Back Market : 276 M€ levés
- Shift Technology : 183 M€ levés
Les « licornes » tricolores, ces startups valorisées au-delà du milliard d’euros, frisent désormais la vingtaine. Elles n’étaient que 5 en 2018.
En coulisses, c’est une véritable bataille que se livrent les fonds d’investissements pour dénicher les futures licornes. Et les fonds récoltés pour le capital-risque sont en progression partout dans le monde.
Dans cette course en avant apparaissent des mastodontes, comme le fonds de 1,6 milliard d’euros lancé par la société d’investissement française Eurazeo en juillet dernier, qui est à ce jour le plus gros fonds de croissance européen (hors Royaume-Uni). Ses cibles d’investissement : “Des leaders technologiques dans les secteurs figurant parmi les plus prometteurs du SaaS, de la santé digitale, des fintechs ou encore des places de marché en ligne.”
Il est rassurant de constater qu’alors que l’économie traditionnelle connaît des conditions particulièrement favorables, la relève tricolore est assurée grâce à :
- des sociétés technologiques capables de peser sur les marchés internationaux
- un afflux massif de fonds disponibles pour les propulser
Les dirigeants d’entreprises restent étonnamment attentistes et les budgets prévisionnels très conservateurs
Soyons clairs. Mis bout à bout, ces tendances macro et micro-économiques dessinent un alignement de planètes exceptionnel dans l’histoire économique moderne.
Or, dans ce contexte inédit, le discours des dirigeants d’entreprises demeure étrangement attentiste. Donnant le ton, le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a expliqué fin août qu’il restait « d’un optimisme prudent », face aux chiffres de la reprise plus forts que prévu. Cette retenue se reflète dans le baromètre de confiance des chefs d’entreprise : celui-ci reste haut, mais perd 3 points en août.
Les budgets prudentiels des entreprises pour 2022 confirment cet état d’esprit mitigé. L’effet reprise se traduit faiblement dans les premières itérations des budgets 2022. Plus inquiétant : selon une étude récente 58% des entrepreneurs français pensent devoir revoir leurs priorités à long terme, et 39% prévoient de réduire leurs coûts et frais généraux.
Le cas des budgets de masse salariale est le plus significatif. Le poste “recrutement” est en recul dans les budgets prévisionnels. On constate donc une injonction contradictoire, avec d’un côté la conviction qu’il faut internaliser à nouveau et, de l’autre, une tendance bien réelle à ne pas recruter de talents supplémentaires, à recourir à la sous-traitance, aux partenariats, à l’intérim.
Tout ceci n’augure pas une croissance euphorique. Loin de là.
L’heure n’est pas à l’attentisme, c’est au contraire le meilleur moment pour accélérer
Autrement dit, en pleine révolution numérique, et alors que leur situation connaît une embellie inédite dans l’histoire récente, nos fleurons industriels continuent à diriger leurs business de manière défensive, en bon pères de famille.
On rétorquera que la croissance n’est pas éternelle, qu’il y a de plus en plus de difficultés d’approvisionnement, que le coût des matières premières augmente, risquant d’entraîner des filières entières dans un effet domino. Que l’inflation menace.
Nous disons qu’il y aura toujours des zones d’incertitudes, mais qu’une chose est sûre : un contexte aussi favorable, de telles fenêtres d’action ne se présentent pas tous les jours.
Dans une période comme celle-ci, nous croyons qu’il faut créer un budget de confiance et non de prudence. Adopter un mental d’ “intrapreneur”, de licorne. Prendre des risques calculés, sortir de la boîte.
Nous croyons que c’est au contraire le meilleur moment pour accélérer. Pour investir avec force dans des projets de rupture portant sur :
- l’innovation
- la transformation de la chaîne d’approvisionnement
- la bascule vers l’économie digitale
- et instiller une nouvelle culture d’entreprise.
Aucune entreprise n’échappera à la transformation vers un monde interconnecté avec ses technologies nouvelles, ses nouveaux usages, ses nouveaux produits, ses nouveaux systèmes et organisations.
Nos économies accélèrent comme rarement auparavant. Et si la France se trouve aujourd’hui dans ce contexte favorable, c’est aussi le cas d’autres pays. Dans cette course de vitesse, tout le monde s’apprête à agir. Mais seuls les plus audacieux en sortiront gagnants.
Il est temps de partir à la conquête. Pas demain, maintenant.