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Les 5 clés du redémarrage réussi – Prendre en compte les impacts psychologiques du confinement [Chapitre 4]

En tant que cabinet de conseil en stratégie et innovation auprès de grands décideurs corporate, nous échangeons avec nos clients depuis le début de la crise économique liée au Covid19 sur les feuilles de route de redémarrage des COMEX.

Dans une série de 5 billets successifs nous souhaitons partager avec vous ici notre vision des clés du redémarrage réussi issue de l’analyse de ces feuilles de route stratégiques.

  1. Savoir d’où l’on part
  2. Penser le redémarrage au-delà des frontières de son entreprise
  3. Ne pas considérer que tout va changer ou que tout sera comme avant
  4. Prendre en compte les impacts psychologiques du confinement
  5. Intégrer un nouveau référentiel de prise de décision

Nous vous invitons également à partager cette analyse lors d’un webinar qui se tiendra le 5 mai prochain de 10h à 11h.

Chapitre 4: Prendre en compte les impacts psychologiques du confinement

L’arrêt économique lié au confinement des populations a figé la planète depuis déjà 2 mois. Les situations sont bien différentes selon les plaques géographiques, les stratégies politiques des pays, les situations économiques de chaque entreprise. Le redémarrage économique consiste à réamorcer l’outil de production et la consommation des particuliers et des entreprises en partant de situations de départ différentes. Aux Etats-Unis, certains Etats ne se sont pas arrêtés. Les entreprises et les travailleurs du North Dakota n’ont pas le même point de redémarrage que ceux de New York.

Le redémarrage est donc la combinatoire de plusieurs facteurs collectifs. Mais le bras armé du redémarrage ne sera autre que l’être humain. Si la digitalisation activité a permis le sauvetage des organes vitaux de la majorité des entreprises (du moins pour le moment), et peut faciliter le redémarrage des organisations collectives, les impacts sur les individus sont plus violents et anxiogènes. Le chômage direct (7,1% de hausse de chômage en France en mars 2020, augmentation inédite depuis 1996, 10 millions de chômeurs supplémentaires aux Etats-Unis entre le 16 et le 28 mars), le chômage partiel (10 millions de travailleurs actifs français à fin avril), les restrictions des libertés individuelles, la saturation médiatique d’informations anxiogènes, ou encore les incertitudes sur le retour à la normale sont autant de facteurs qui influent sur l’état psychologique des collaborateurs.

Le facteur humain dans votre entreprise est une composante essentielle est de plus en plus valorisée par les politiques de ressources humaines, notamment envers les exigences nouvelles des jeunes générations quant au cadre de travail. Bien au-delà des questions organisationnelles ayant trait au chômage partiel, télétravail, nouvelles mesures sanitaires pour ceux ayant besoin de se déplacer sur leur lieu de travail, la prise en compte de l’état psychologique de vos collaborateurs est essentielle pour les embarquer dans un redémarrage réussi.

Dans un contexte d’un réamorçage de l’activité économique très progressif, avec de nombreuses incertitudes sur de possibles aller-retours entre retour à la normale et mesures coercitives en cas de regain de la pandémie, comment prendre en compte ce facteur psychologique dès maintenant dans son plan de redémarrage? Quels sont les situations individuelles à prendre en compte pour réussir à embarquer vos équipes dans le redémarrage ? Comment préparer le déconfinement du point de vue psychologique ?

6 situations individuelles confrontent à des stress post-traumatiques

Vos collaborateurs vivent des situations individuelles très différenciées et qu’il convient de nuancer au niveau de chaque individu.

Cependant, ils se retrouvent dans une ou plusieurs des 6 situations individuelles suivantes, ou vivre avec des proches vivant certaines de ces situations :

  • Individus directement impactés par leur proximité avec la mort massive due à l’épidémie : le personnel de santé essentiellement, les gérants des EHPAD, les responsables politiques…
  • Individus ayant vécu des décès de proches mais n’ayant pas pu faire un accompagnement au deuil
  • Individus ayant subi des conséquences psychologiques fortes du fait du confinement dans des conditions difficiles (espace de vie limité, promiscuité avec d’autres personnes, manque d’occupations…)
  • Individus incertains envers leur emploi, soit déjà au chômage et ayant peur de la morosité du recrutement pendant longtemps, ou craignant que leur employeur ne puisse les conserver longtemps
  • Individus risquant de tout perdre (emplois, ressources financières, outils de production, dettes…). Notamment les indépendants, dirigeants de petites entreprises, personnes très endettées. Cette catégorie diffère selon les mesures de soutien prises par les pouvoirs publics des différents pays (soutien fort en Europe, plus faible aux Etats-Unis), mais reste réelle malgré des mesures politiques fortes car la réalité des échéances bancaires est difficile à atténuer durablement
  • Individus qui vont traverser la crise de Covid-19 en dehors de ces catégories, mais qui vont croiser au quotidien des personnes qui sont dans un stress post-traumatique lié aux autres catégories. C’est la catégorie majoritaire parmi vos collaborateurs, surtout si vous réussissez à conserver les emplois et à rassurer sur la viabilité économique de votre entreprise, mais cela ne veut pas dire que cette population sortira complètement indemne de la crise.

Vos collègues comme vous-mêmes vivez des situations psychologiques très différentes en confinement en fonction de votre lieu de vie, des personnes avec qui vous êtes, de votre état de santé physique et psychologique et de ceux de votre entourage. Et ces situations ont un impact direct sur les personnes que vous retrouverez progressivement dans vos locaux pendant le redémarrage : sur leur motivation, sur leur attachement à l’entreprise, sur leur référentiel de valeurs, sur leur forme, sur leurs repères.

Connaître les situations individuelles de chaque collaborateur et son degré de proximité avec des personnes vivant des situations individuelles difficile est une première clé pour adopter la bonne politique RH de redémarrage. Sans entrer ce qui a trait à de l’information privée, votre entreprise a une responsabilité quant au bien-être psychologique de ses équipes et sa politique RH (bien-être au travail, gestion des congés, accompagnement à la vie quotidienne post-crise…) doit s’y conformer.

Le nouveau stress du retour au bureau

En plus des 6 situations individuelles vécues, les modalités de réouverture des lieux de travail fermés pendant le confinement, aussi bien des magasins que des bureaux et des usines, sont une source de stress supplémentaire et influent sur l’état psychologique des individus.

En premier lieu, l’entre-deux de la réouverture progressive qui invite à la poursuite du télétravail quand cela est possible, à un système de roulement des équipes dans les entreprises, à une modification des horaires pour lisser l’affluence des transports, est une première perte de repère. Le collaborateur devant alterner des jours de déplacement au bureau et des jours de télétravail devra retrouver de nouveaux repères.

En deuxième lieu, l’incertitude et la prudence de la réouverture des lieux de travail sous réserve de certains indicateurs régionaux et nationaux est une source de stress importante, car elle signifie au travailleur qu’il est en risque et que la société exige de lui une vigilance de tout instant, et la patience qui va avec (devoir attendre son tour pour monter dans un transport en commun).

En troisième lieu, l’apprentissage de nouveaux réflexes pour pouvoir interagir à nouveau avec la société est particulièrement anxiogène. Les individus devront apprendre à vivre en portant un masque, à respecter les distances avec leurs collègues et leurs clients, à adopter les gestes barrière. Une vigilance de tout instant, la peur de mal faire, de se sentir coupable.

En quatrième et dernier lieu, l’organisation même des lieux de travail est une puissante source de stress. Le commerçant devra sans cesse « surveiller » les attitudes de ses clients, le respect des gestes barrières et des distances de sécurité. L’employé de bureau craindra de devoir prendre l’ascenseur pour gravir les 20 étages de sa tour à La Défense. A la vue des open spaces très clairsemés par la suppressions de postes de travail en vue d’augmenter les distances entre les collaborateurs, un certain stress collectif peut s’installer. L’impression visuelle d’un vide stimule l’imagination et peut donner l’impression que certains collègues ont disparu, ont perdu leur emploi, et que ça pourra bientôt être notre cas.

Ces facteurs de stress dus à la fois à un stress sur la santé, sur la responsabilité individuelle vis-à-vis de la société, sur la pérennité des emplois, génèrent un climat anxiogène auprès des équipes. Le cerveau humain gagne en sérénité que s’il retrouve ses routines. Accompagner ses collaborateurs dans cette transition est plus qu’indispensable pour amorcer une transition réussie vers le redémarrage.

Préparer l’après-confinement avec pragmatisme et lucidité sur la nature humaine

Des voix s’élèvent pour souligner que la crise met en lumière l’évolution de notre rapport à la mort dans nos sociétés du 21ème siècle. Le philosophe André Comte-Sponville s’exprimait récemment pour souligner que la mobilisation extrême de nos sociétés pour lutter contre l’épidémie a trait à une certaine non-acceptation de la mort et à une croyance en la toute-puissance de la science pour guider nos sociétés.

« Il faut d’abord se rappeler que l’énorme majorité d’entre nous ne mourra pas du coronavirus. J’ai été très frappé par cette espèce d’affolement collectif qui a saisi les médias d’abord, mais aussi la population, comme si tout d’un coup, on découvrait que nous sommes mortels. Ce n’est pas vraiment un scoop. Nous étions mortels avant le coronavirus, nous le serons après […] C’est une société, une civilisation qui demande tout à la médecine. En effet, la tendance existe depuis déjà longtemps à faire de la santé la valeur suprême et non plus de la liberté, de la justice, de l’amour qui sont pour moi les vraies valeurs suprêmes. Attention de ne pas faire de la santé la valeur suprême. » (André Compte-Sponville, émission « C à vous », France 5, 21 avril 2020)

Dans le même ordre d’idée, Ludovic François, docteur en sciences de gestion, estime que notre vision de la mort s’accompagne sur la prévalence de l’intérêt individuel sur l’intérêt collectif.

« Aujourd’hui, notre acceptation de la mort et de la souffrance est profondément altérée, dans la mesure où la science s’est progressivement substituée au divin. On croit donc pouvoir s’opposer à la nature, on défie la mort. Ceci requiert donc une mobilisation inédite et totale. […] Enfin, notre vision est de moins en moins fondée sur l’intérêt collectif : l’individu prévaut. En conséquence, la souffrance individuelle est devenue socialement inacceptable et nécessite un traitement immédiat et catégorique, parfois en dépit des conséquences potentiellement délétères sur l’avenir du collectif. » (Economie Matin, 26 avril 2020)

Nous vivons en quelque sorte une mobilisation collective considérable pour tenter de sauver un maximum de vie individuelles, tout en ouvrant la porte à une somme de souffrances individuelles futures dans un système collectif abîmé.

Si les conséquences du confinement sont violentes sur notre système collectif, ne serait-ce que via les impacts économiques sur les entreprises, elles le sont encore plus sur le plan des souffrances individuelles. Aujourd’hui les impacts psychologiques de la crise sanitaire et du confinement, selon les 6 situations que nous venons de décrire, sont peu pris en compte face à l’urgence de lutte contre l’épidémie. Comment allons-nous les traiter? La crise met en évidence une grande incertitude sur l’avenir et sur la manière dont la nature humaine reverra son système de valeurs à l’aune des conséquence du Covid 19.

Anticiper le stress post-traumatique des individus

Le redémarrage réussi ne le sera que par un véritable travail de réintégration des collaborateurs déconfinés, la prise en compte de leur état psychologique et la gestion du climat stressant et anxiogène.

Nous préconisons pour démarrer la réintégration par un onboarding complet lorsque les équipes reviendront progressivement du chômage partiel et reviendront dans vos locaux, aussi bien pour :

  • évaluer l’état psychologique de chaque collaborateur en fonction de sa situation parmi les 6 types de situations, pour l’aider à gérer son stress post-traumatique
  • former les équipes aux aspects pratiques de l’organisation de l’espace de travail respectant de nouvelles règles sanitaires et les rassurer sur leur capacité à respecter les règles
  • accompagner les équipes à des nouveaux modes de travail, de plus en plus tournés vers des équipes multi-localisées, afin de leur donner de nouveaux repères et de nouvelles routines
  • exposer de nouveaux objectifs communs, réalistes et motivants, concernant la phase de redémarrage afin de relancer la motivation
  • insuffler une dynamique de « nouveau départ », « fresh start », autour du projet de votre entreprise

Nos entreprises ont un véritable rôle à jouer à la fois dans le redémarrage économique d’un système collectif viable, mais aussi dans l’accompagnement des individus à surmonter les impacts psychologiques de la crise. Nos rapports aux autres, nos modèles de collaboration, de travail, et nos systèmes de valeurs collectifs et individuels en seront profondément modifiés.

Suivez notre actualité et rejoignez nous le 5 mai 2020 de 10h à 11h pour le webinar dédié à ce sujet!