Bengs Lab

Réinventez la complémentarité entre l'humain et la technologie

1 L'Augmented Worker, une alternative à l'automatisation

1.5 Les pièges de l’Augmented Worker

Le tableau dépeint jusqu’ici est résolument optimiste : les Femmes et les Hommes, comme ils le font depuis des centaines d’années, vont continuer à pousser encore plus loin leurs capacités, aidés pour cela par la technologie. Les humains et les robots vont collaborer pour produire mieux et plus efficacement. Certes des métiers vont disparaitre mais de nouveaux métiers, moins pénibles et moins dangereux, seront créés à leur tour. Ceci est vrai, mais ne représente qu’une partie de la réalité et des exemples actuels d’Augmented Worker nous rappellent que le système peut déraper.

 

LE CONTRE-EXEMPLE DU VOICE PICKING

Le « voice picking » est une méthode utilisée au sein des entrepôts logistiques pour augmenter la productivité du processus de préparation des commandes. Les opérateurs sont équipés d’un terminal audio, disposant d’un casque et d’un microphone. Ce terminal indique directement à l’opérateur les missions à réaliser en lui passant des ordres audios. Il lui communique ainsi la zone de l’entrepôt où aller chercher les articles nécessaires, la quantité d’articles à sélectionner et l’emplacement où les déposer pour le colisage.

Le terminal pilote complètement l’activité du collaborateur. Ce dernier peut communiquer avec la machine grâce à des commandes vocales. C’est avec un lexique spécifique, constitué d’une poignée de mots seulement, que le préparateur peut répondre au terminal. Il lui confirme ou non le prélèvement et le dépôt des articles de la commande, et lui signale de potentielles erreurs de stock. Les avantages opérationnels sont évidents : augmentation de la vitesse de préparation des commandes, réduction du temps de formation des opérateurs et diminution du nombre d’erreurs de préparation.

Cependant, cette technique utilisée notamment dans certains entrepôts d’Amazon et de Lidl fait polémique. Les collaborateurs ainsi équipés peuvent éprouver de réelles souffrances au travail. Ils perdent, par exemple, la liberté de parler à leurs collègues car chaque phrase prononcée est analysée par le terminal à la recherche d’une commande vocale et engendre une réponse de la machine indiquant qu’elle n’a pas compris. Le rythme de travail est déterminé par la machine qui a estimé le temps de déplacement nécessaire pour assembler la commande. Les collaborateurs équipés de ce dispositif deviennent les effecteurs d’un programme informatique et ils perdent toute liberté d’actions ou d’initiatives.

D’autre part, l’augmentation du rythme de travail accroît significativement la fatigue des préparateurs ainsi que le risque de troubles musculosquelettiques (TMS) voire de risques psycho sociaux (RPS) sur le long terme.

 

LES LIMITES DES PLATEFORMES DE LIVRAISON A DOMICILE

Les plateformes de livraison telles que UberEats, Deliveroo… proposent la livraison de repas préparés par les restaurants partenaires vers les clients de la plateforme. Les livreurs réalisent les courses principalement à vélo ou à scooter. Ils sont rémunérés en fonction du nombre de courses effectuées et de la distance de ces dernières. Ce sont des autoentrepreneurs, soumis à une obligation de suivi de l’itinéraire défini par la plateforme qui se veut être optimisé. Les livreurs connectés à l’application reçoivent des propositions de courses à réaliser, qu’ils peuvent accepter ou refuser grâce à leur téléphone connecté.

Ce système présente de nombreux bénéfices. Il permet notamment d’augmenter de 20% en moyenne le chiffre d’affaires des restaurants partenaires et de délivrer une expérience client de qualité. Le service est rapide, pratique, prévisible et économique. D’autre part, ce service offre de nombreuses opportunités d’emploi.

De l’autre côté, le prix à payer est conséquent. Les systèmes de motivation des livreurs incitent à réaliser un maximum de courses le plus vite possible, à travailler de nuit même lorsque les conditions météo rendent la conduite dangereuse. Le résultat est un taux d’accident du travail 10 fois supérieur à la moyenne française. De même que dans l’exemple précédent, une augmentation non maitrisée du rythme de travail accroit les risques d’accidents et de troubles musculosquelettiques.

Il est peu probable de voir les entreprises arrêter de chercher de nouveaux moyens d’augmenter la productivité de leurs collaborateurs. Il est également peu probable que le progrès technologique ralentisse durant les prochaines décennies. Nous allons donc très certainement assister à une accélération du nombre de domaines pour l’instant réservés à l’humain dans lesquels les industries auront recours à des technologies pour gagner encore en productivité.