Bengs Lab

Avantage circulaire, et nouveaux business models durables

4 Le défi de la mise en œuvre

Modification des modes de consommation

D’après les résultats d’un sondage mené aux Etats-Unis par le Sheldon Group, 84% des personnes interrogées estiment que les entreprises doivent prendre des positions précises sur les sujets de RSE et de Développement Durable. Mais en plus, deux tiers de ceux pour qui ces prises de position sont très importantes déclarent qu’ils seraient prêts à récompenser financièrement ces engagements, par exemple en achetant les produits des entreprises les plus engagées.

Cela rejoint les résultats de l’étude menée par e-RSE.net sur la confiance des consommateurs envers les marques : ce sont les sujets d’engagement liés aux thèmes de RSE ou de durabilité qui influencent le plus l’avis que se font les consommateurs sur une marque.

Toutefois, ces considérations environnementales tardent à se refléter dans les comportements d’achats des consommateurs. L’association Oeko-Tex, association regroupant des professionnels indépendants dans la recherche textile, a proposé à un panel de consommateur un lot de vêtements certifiés équitables. Malgré 60% d’intérêt déclaré, seuls un tiers des consommateurs sont effectivement passés à l’achat.

Ce décalage se reflète à travers plusieurs tendances décrites ci-dessous.

 

LA SCHIZOPHRENIE DES CONSOMMATEURS

Nous l’avons vu plus haut : location, mutualisation, emprunt… de nombreuses alternatives à l’achat existent. Pourtant, d’après une étude TNS Sofres menée en partenariat avec eBay, en 2014, un français possède en moyenne 41 objets qu’il n’utilise jamais. Ce gisement représente un potentiel de gain de 1 200 euros, autant d’objets qui ont coûté inutilement à l’environnement, puisqu’ils ont été produits pour ne pas servir. En France, on compte 36% d’utilisateurs de plateformes collaboratives, mais la marche est haute avant d’arriver à un développement sur tout le territoire et toutes les activités. Même si les mentalités évoluent, passer d’une logique de possession à une logique d’usage prendra du temps.

Une autre illustration de ce phénomène : les voitures personnelles sont en moyenne inutilisées 95% du temps, et les voitures professionnelles sont inutilisées 85% du temps. De nouveaux services tels que la location courte durée (LCD), l’autopartage, la location entre particuliers et le covoiturage ont fait leur place dans notre quotidien. Pourtant, le nombre de voitures vendues par an en France ne cesse d’augmenter, passant de 2.015.000 en 2016 à 2.110.000 véhicules neufs vendus en 2017.

En moyenne en 2016, chaque foyer français possède 99 équipements électriques ou électroniques. Et même si le gros électroménager est conservé longtemps – en moyenne 10 ans pour les télévisions et 6 ans pour les lave-linges – il n’en va pas de même avec les téléphones et autres objets électroniques. Ces derniers ont une durée de vie moyenne de 2 ans. Et pourtant, le renouvellement de ces équipements n’est pas dû à un dysfonctionnement : 51% des consommateurs changent de téléphones pour accéder aux dernières technologies, 45% pour découvrir les nouvelles fonctionnalités inclues dans les modèles plus récents et 34% parce qu’ils trouvent leur téléphone actuel trop lent.

Les objets connectés font aussi leur grande arrivée dans les foyers et leur complexité soulève de nouvelles questions par rapport à la maintenance. En 2017, 2.9 millions d’objets connectés liés à la maison ont été écoulés en France. Les experts s’attendent à ce que ce chiffre ne fasse que croître dans les prochaines années.

 

UNE INSUFFISANCE D’INFORMATION

77% des Français n’ont pas d’idée précise sur la signification de l’expression « économie circulaire ». 13% indiquent avoir déjà entendu parler mais ont une compréhension assez floue du concept et seulement 5% ont une idée précise. Moins de 1% pense savoir exactement de quoi il s’agit.

Par ailleurs, l’affichage des caractéristiques environnementales des produits reste encore peu répandu et ce manque d’information ne facilite pas l’identification par les consommateurs des produits éco-conçus ou plus respectueux de l’environnement. Comment dès lors les privilégier ?

C’est pourtant la modification du comportement des consommateurs qui aura un véritable impact dans cette transition de modèle économique. Seule une vraie action conjointe entre les entreprises, les médias, les éco-organismes et les organisations gouvernementales permettra d’améliorer cette situation et de mieux (in)former les consommateurs.

 

UNE GESTION DES DECHETS ET DU RECYCLAGE INSUFFISANTE

En 2008, l’Union Européenne s’était fixée comme objectif de recycler 50% des déchets ménagers d’ici à 2020. Dans son ensemble, l’Union européenne s’est rapprochée de son objectif : alors qu’elle recyclait 36 % de ses déchets ménagers au moment de la directive de 2008, elle a fait passer ce taux à 45 % en 2015 (derniers chiffres disponibles sur l’organisme de statistiques européen Eurostat). Toutefois, cela recouvre des situations très disparates : l’Allemagne est ainsi pionnière avec 66,1% de déchets ménagers recyclés, suivie de l’Autriche (56,9%) et de la Slovénie (54,1%) quand la France se situe en « milieu de tableau » avec 39,5% et que certains Etats sont très largement à la traîne, comme la Grèce (15,3%), la Roumanie (13,1%) ou Malte (6,7%).

En outre, les progrès réalisés par la France restent modestes, avec 9,8 points de plus entre 2005 et 2015, quand d’autres pays ont réalisé des efforts considérables : +16,8 points pour le Royaume-Uni, +25 points pour l’Italie et même +36,9 points pour la Pologne.

La marche semble donc élevée pour atteindre l’objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique adoptée en 2015, qui prévoit une augmentation de 10 % du recyclage des déchets ménagers en France d’ici à 2020…

Ce décalage entre ambitions et actions, tant au niveau gouvernemental qu’au niveau des comportements individuels de chaque consommateur, devra être comblé pour permettre aux produits plus respectueux de l’environnement de rencontrer tout le succès commercial attendu.