Faire du client un acteur partie prenante de la définition du prix
Comment les responsables financiers d’une entreprise peuvent-ils appréhender la pertinence des investissements et les retours sur ces investissements potentiels dans un marché hyper personnalisé donc inédit, voire unique ? Comment être capable d’estimer la rentabilité du projet s’il n’y a pas d’hypothèses de volume, de marché atteignable ? Est-il possible de s’affranchir totalement des hypothèses de volumes ?
Pour l’architecte et ses offreurs, calculer le seuil de rentabilité du projet leur permet d’estimer le retour sur investissement potentiel. Evidemment, il est possible de dégager des bénéfices sur une seule pièce vendue si le prix est suffisamment élevé pour couvrir l’ensemble des frais engagés. Mais le client n’est pas toujours en mesure de les supporter. L’objectif n’est donc pas seulement de réussir à évaluer le seuil de rentabilité sans hypothèses de volumes mais aussi de savoir si le client est en mesure d’en payer le prix, potentiellement élevé. Le principe, en rupture, est alors de mettre le client au cœur de la décision du prix, des arbitrages et des renoncements éventuels. Le BtoC apporte des exemples de ce type d’approche, notamment avec le groupe Radiohead. Le groupe de musique lance pour la première fois, en 2007, le mouvement Pay what you want : ils proposent à leur public d’acheter leur nouvel album au prix qu’ils estiment, individuellement, le plus juste. Ce sont donc les clients qui fixent ce prix et non plus l’offreur. Cette idée a été fortement reprise, en 2014, dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration avec un effet bénéfique puisque les clients, sans référentiel, avaient tendance à mieux rémunérer la prestation. On peut également citer le secteur du partagiciel (shareware) qui pratique cette stratégie de fixation du prix depuis très longtemps. Cependant, cette stratégie du Pay what you want s’applique à des produits ou services établis, et dont le coût marginal n’est pas très élevé, au risque de mettre en péril la viabilité de l’offreur. Néanmoins, comme le développe une étude de 2012 du GESY, cette stratégie est plus efficace dans le cas où l’offreur est en situation de quasi monopole. C’est le cas des exemples cités précédemment puisque les artistes, par exemple, ne sont pas à proprement parler en compétition. Et c’est également le cas de notre entreprise étendue qui tente de répondre à un besoin inédit. L’architecte et ses offreurs font du client une partie prenante des itérations menant à la construction du prix. Il devient alors possible d’envisager un modèle où le client joue avec les offreurs sur les variables qui conditionnent le prix, comme bien entendu les caractéristiques techniques du produit, mais aussi le mode de production, les délais ou encore l’exclusivité.
SI LE CLIENT FAIT VARIER LA CONTRAINTE DE TEMPS OU D’EXCLUSIVITE
- Si le client veut disposer de son produit ou de son service rapidement, ou qu’il souhaite l’exclusivité, il devra assumer un prix plus élevé puisqu’il n’y aura qu’une seule unité produite, celle que le client commande.
- Si le client accepte d’attendre, et qu’il renonce à l’exclusivité, il pourra payer un prix moins élevé. En effet, si d’autres clients se positionnent sur ce même besoin, les coûts de conception et de fabrication peuvent être répartis. Dans ce modèle, l’architecte, les offreurs et le client, voire un acteur externe à l’alliance peuvent jouer un rôle dans la recherche de clients additionnels. Ce service peut être rémunéré en tant que tel et donner lieu à des commissions d’apporteur d’affaires par exemple, prélevées sur les économies réalisées par le client ou sur les économies d’échelle.
SI LE CLIENT FAIT VARIER LA CONTRAINTE DE PRODUCTION
L’opportunité des nouveaux modes de production apportée par l’impression 3D, qui a gagné en maturité, permet de répondre, avec des niveaux de qualité très compétitifs, à des besoins inédits, même s’il n’y a que peu de volumes. En effet, si la solution au besoin implique de produire peu d’unités voire une seule, il est possible de les prototyper, de les tester, et de les produire grâce à ces nouveaux modes de production. Unitairement, les délais sont plus longs que ceux de la production en grande série, et les prix plus élevés. Néanmoins, le coût global de production reste très avantageux puisque l’on évite de construire un outil ou de coûteuses adaptations de la chaîne de production. Sans compter que, grâce à la fabrication additive, il est possible de réaliser des formes beaucoup plus complexes qu’avec des procédés industriels compatibles avec la production de grandes séries. Ce nouveau modèle économique est innovant dans la mesure où il ne fait plus des volumes une condition nécessaire à la rentabilité d’un projet. Le prix de vente assumé par le client en est désormais le déterminant, modulable selon les contraintes de temps et de modes de production.