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Directions Juridiques et COVID 19 : Comment éviter l’effet domino ?

Avoid Domino effect

En ce moment même, toutes les directions générales convoquent des réunions de crise quotidiennes au sein des entreprises pour gérer les conséquences du confinement et du ralentissement d’activité que la pandémie impose en France. Les directeurs juridiques, selon le Cercle Montesquieu et nos propres prises de contact, sont étroitement associés à ces réunions de crise et sont mobilisées pour gérer les priorités. A l’heure où nous écrivons ces lignes, elles sont de 3 natures :

1. Gérer les nouvelles relations avec les clients et fournisseurs

Les relations contractuelles sont entièrement à revoir en raison de la définition même de la Force Majeure qui survient « lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ». A partir de cette clause, 4 types d’actions mettent les directions juridiques en situation de surchauffe :

  1. Vérifier les dates les signatures : c’est là que le double caractère irrésistible et imprévisible doit être systématiquement contrôlé. Ce qui relève rapidement du casse-tête chinois. En effet, la première chose à faire est de vérifier la date de signature des contrats. En France, la date à retenir selon une note du MEDEF serait celle de la force majeure, c’est-à-dire le 29 février. Donc pour les contrats signés avant le 29 février la clause de force majeure s’appliquerait automatiquement (sans qu’il soit nécessaire qu’apparaisse expressément la mention d’épidémie dans le contrat). A partir de cette date en revanche, l’épidémie du coronavirus n’est plus imprévisible et il était à prévoir que des mesures seraient prises en cas d’aggravation de l’épidémie. Il serait donc devenu indispensable depuis cette date d’adapter les relations contractuelles à la nouvelle situation.En tout état de cause, le droit applicable n’est pas tranché : quelle date retenir, la date du confinement en Chine (23 janvier 2020), les déclarations de l’OMS (30 janvier), la déclaration de cas de force majeure en France, le confinement en France ?
  2. Analyser l’impact de la force majeure sur l’exécution : s’agit-il d’un cas d’empêchement partiel (seul cas où le débiteur est libéré de ses obligations dans le cadre du contrat, exemple des pièces détachées venant en partie de Chine). S’agit-il d’un cas d’empêchement temporaire, auquel cas, il faut faire une analyse des conséquences opérationnelles pour le créancier qui peut invoquer une résiliation du contrat compte tenu de la perte de valeur de la transaction. S’agit-il d’un cas d’empêchement définitif ? Dans ce cas, une renégociation est à prévoir et il faut procéder à des restitutions et remises en état des parties au jour de la formation du contrat. On voit dans ces différents cas l’importance de la preuve et du chainage des empêchements d’un acteur sur l’autre. Seront clés les processus décisionnels par lesquels seront établis ces relations de cause à effet : règlement amiable, médiation, procédure.
  3. Vérifier les contrats d’assurance quand la force majeure ne peut pas être retenue. Dans ce cas, il faut se rapprocher de l’assurance de l’entreprise. Attention toutefois car la quasi-totalité des contrats d’assurance couvrant des entreprises en pertes d’exploitation, rupture de la chaîne d’approvisionnement, défaut de livraison…) exclut l’événement épidémie. C’est parce qu’une épidémie peut avoir un impact sur l’activité économique globale et, qu’elle affecte tous les secteurs et que ses conséquences sont inassurables.
  4. Prendre l’initiative de renégocier les contrats en invoquant l’imprévision (en particulier pour les contrats conclus après la date d’effet de la force majeure). Dans l’hypothèse où une entreprise serait impactée par l’épidémie du Covid-19, sans pouvoir invoquer la force majeure, elle peut demander à son cocontractant de renégocier les termes du contrat en raison d’un changement de circonstances imprévisible rendant l’exécution de son obligation excessivement onéreuse. Cela permet de réduire l’impact financier (pénalités en cas de retard de livraison par exemple). Mais encore faut-il démontrer l’imprévisibilité du changement de circonstances au moment de la conclusion du contrat.

2. Sécuriser la continuité d’activité par le recours accéléré au télétravail et les nouveaux modes de collaboration

Dans l’ensemble et depuis au moins le 17 mars 2020, la plupart des équipes juridiques travaillent à distance, les dirigeants et directeurs juridiques sont dans des salles de crise et sont parfois – encore ces jours-ci dans l’entreprise. Et d’après nos informations, loin d’être au chômage technique, 100% des équipes sont en télétravail.

Dans ces conditions, et passé le temps des vidéoconférences de crise, les organisations juridiques devront généraliser les outils de travail opérationnels pour gérer les travaux en mode task force :

  1. Utiliser des vidéo-conférences de négociation (avec gestion des stakeholders via des rooms virtuelles)
  2. Utiliser l’intelligence artificielle pour rechercher automatiquement dans le stock de contrats les zones rouges en termes contractuels, par exemple les dates de contractualisation (ex : entre le 30/01 et le 29/02), les clauses d’assurances, les possibilités ou non de contournements contractuels par rapport à des empêchements rencontrés dans l’exécution
  3. Accélérer la mise en place de robot contractuels pour industrialiser les nouveaux contrats ou nouvelles clauses lié à la nouvelle période.
  4. Mettre en place des chatbots juridiques pour répondre aux questions urgentes, souvent répétitives des opérationnels en renégociation (DRH, équipes de ventes, équipes achats, R&D, …)
  5. Trouver les interfaces les plus astucieuses entre les outils: par exemple le couplage entre un socle collaboratif quotidien (de type Teams ou Hangout) et des outils plus robustes pour gérer un grand nombre de contributeurs (Zoom, Tamashare) ou encore certains outils rendant possible presque n’importe quelle configuration de réunion physique incluant brainstorming, gestion de projet en mode agile, etc. (Klaxoon, Blue Jeans)

3. Appréhender le « droit Covid 19 » en urgence pour les questions sociales

Les premières questions des directions générales aux équipes juridiques et RH, sont celles du droit du travail : l’employeur peut-il imposer la prise de congés payés ou de RTT ? Quel traitement du droit de retrait, en particulier dans les secteurs stratégiques ou prioritaires comme la chaîne logistique et la distribution alimentaires ? En matière de chômage partiel, l’employeur doit-il, dans une démarche solidaire, couvrir la perte de revenue subie par le salarié ? Quels sont les dispositifs de santé et sécurité au travail à mettre en œuvre ?

Sur le champ des données personnelles des salariés, des questions sont à traiter : quelles possibilités de collecte de l’employeur sur un salarié qui bénéficie d’une autorisation spéciale pour se rendre sur son lieu de travail pendant la période de confinement ?  L’employeur peut-il partager les données de santé liées au COVID-19 des salariés avec les autorités compétentes ? Quels sont les risques pour l’entreprise dans le cadre du télétravail ? Y -a-t-il une différence à faire entre le cas où le salarié utilise un ordinateur privatif et le cas où il utilise un ordinateur prêté par l’entreprise ?

En réaction à ces priorités le Cercle Montesquieu, association des Directeurs Juridiques, a mis en place dès le 13 mars une plateforme COVID 19 avec 7 thématiques business où sont partagées les notes des cabinets d’avocat en format libre de droits

Eviter l’effet domino

Au-delà de ces réponses de crise, cette période est une opportunité pour anticiper un New Deal 2020 par la définition d’un nouveau cadre de référence qui devra réguler une modification profonde de l’état des forces du marché.

Au total, la période actuelle de droit dérogatoire lié au Covid débouchera sur une autre période – dans 2, 3 ou 6 mois qui sera celle de la prise de hauteur et de la consolidation des acquis. A notre échelle et forts de nos premières observations, nous pensons que les directions juridiques s’en sortiront grandies si :

  • Elles auront accéléré l’ouverture des données permettant de se faire une idée, secteur par secteur du nouveau droit Covid-19
  • Elles seront entrées pleinement dans l’ère du collaboratif étendu et des technologies digitales au travers des travaux, à marche forcée, qu’elles auront réussi à abattre en un temps record
  • Elles auront réussi à jouer un rôle de négociateur stratégique dans toutes les renégociations critiques (nouveaux fournisseurs, nouvelles routes logistiques, nouvelles offres …)
  • Elles auront réussi la « sortie du droit Covid» de façon la plus réactive et flexible possible en écrivant les dispositifs contractuels permettant d’en sortir sans mettre en péril les parties prenantes et notamment les PME qui dépendent de leur entreprise de rattachement, ces acteurs qui seront très observés par la sphère publique en 2020.
  • Elles seront entrées dans l’ère de l’apprentissage digital grâce à la généralisation de l’utilisation de plateforme d’e-learning

Dit autrement, les entreprises qui sortiront grandies de cette période seront celles qui, dans un premier temps, ne seront pas à court de cash et dans un second temps, celles qui auront su anticiper le nouveau terrain de jeu dans leurs domaines d’excellence, et prolonger leurs innovations de survie en innovations pour le bien commun

 

Plus d’information sur la plateforme Covid-19 du  Cercle Montesquieu