Après une décennie d’expérimentation dans les groupes, les espaces d’innovation collaborative ont évolué. Ouverts à de nouvelles parties prenantes et à de nouveaux concepts, ces tiers-lieux peuvent aujourd’hui être tout à la fois laboratoires, « think-tanks », incubateurs, voire accélérateurs de startups.
Ils cassent les codes de l’entreprise et poussent la créativité en permettant la mise en commun des ressources à la fois humaines et matérielles. Les espaces partagés en entreprise, ce sont ces « fablabs », «garages», ou encore « hackerspaces », dont le principe repose sur le travail collaboratif, le partage des connaissances et des compétences. En une décennie d’existence et d’expérimentations, ces tiers-lieux ont fait leurs preuves et appris de leurs erreurs. Ils se sont adaptés et prennent aujourd’hui des formes très variées, en s’ouvrant à une multitude de parties-prenantes.
Des tiers-lieux pour booster l’innovation et la performance
La première vocation du fablab est de développer l’innovation de produits ou services commerciaux dans un esprit startup. Ainsi, dans le fablab rattaché à l’Atelier innovations Services de Snecma (Groupe Safran) différents collaborateurs du groupe implémentent des concepts de services pour les compagnies aériennes et les loueurs d’avions.
Le bénéfice collatéral est d’ordre organisationnel et social. Ces tiers-lieux cassent les silos dans l’entreprise, créent des synergies, renforcent la cohésion sociale et permettent de tester des modes de travail alternatifs. Chez Renault, l’enjeu du fablab est de « reconnecter les ingénieurs avec la fabrication » tout en développant une « culture de l’ouverture », explique un cadre du groupe. Ce concept ne vaut pas que pour les ingénieurs : un juriste du groupe, passionné à titre personnel par la fabrication, pourra ainsi sortir de son cadre de référence habituel et, pourquoi pas, proposer ses idées de conception automobile.
La culture du « faire ensemble », ça marche : au FabLab du CEA de Grenoble, un prototype ne met que quelques heures à sortir, au lieu d’un mois dans un schéma industriel classique. Depuis son ouverture, cet atelier d’un genre particulier a accueilli près d’un millier d’utilisateurs et donné naissance à 3000 maquettes.
Des fablabs ouverts aux écoles, universités, startups et partenaires publics
La nouvelle génération des fablabs pousse un cran plus loin le principe d’ouverture, en accueillant des parties-prenantes, cette fois hors de l’entreprise : partenaires, fournisseurs, clients, prospects, autres « labs », tout est possible ! La délégation d’EDF Commerce Méditerranée a créé à Marseille le « Med in Lab », un générateur d’idées accessible aux salariés porteurs de projets innovants, mais aussi aux écoles, universités, incubateurs et partenaires publics et privés de la région. Le potentiel innovant est ainsi boosté par les travaux internes, combinés à des technologies externes.
Même logique au Business Lab de PSA, qui s’est fixé pour ambition de « détecter, tester, et transformer des opportunités en produits et services commercialisables pour le groupe, y compris en dehors (du) cœur de métier automobile ». Créé en 2016, ce « Lab » se positionne comme un point de contact avec les startups, pour détecter des innovations business et technologiques, mais aussi avec les clients, pour « expérimenter en grandeur nature de nouveaux business et de nouvelles propositions de valeur ». Cinq ans plus tard, la structure qui emploie sept personnes à Paris, Singapour et San Francisco, a noué des partenariats avec le fonds d’investissement Idinvest et tissé un réseau de centaines d’ambassadeurs dans les 27 directions du groupe.
Ceci a permis à PSA de conclure des contrats avec des dizaines de startups dans le monde et de signer des contrats dans des domaines stratégiques tels que l’usine du futur, le véhicule autonome ou encore les « smart city ». Des expérimentations de terrain grandeur nature ont d’ores et déjà démarré expliquait fin 2019 Anne Laliron, la fondatrice du lab PSA.
Des fablabs plus ouverts pour anticiper les modes de consommation de demain
Certains fablabs d’aujourd’hui s’apparentent eux-mêmes à des incubateurs. C’est le cas du 3DExperience Lab de Dassault Système, pensé dès 2015 comme « un laboratoire à idées et un accélérateur de start-up ». Implanté aux Etats-Unis et en Inde, il accueille régulièrement en son sein de nouveaux partenaires : incubateurs, fablabs et réseaux d’entrepreneurs à l’échelle mondiale. En 2019 sont entrés dans le cercle l’école HEC en France, l’incubateur de startups MIT Enterprise Forum CEE en Pologne, ou encore le Greentown Labs américain, qui ambitionne de « résoudre la crise climatique par l’entrepreneuriat et la collaboration ». Le Lab compte désormais plus de 1200 mentors et 25 partenaires à travers le monde.
Et pour un groupe coopératif comme la Maif, construit sur des valeurs d’humanisme et d’engagement, un lab ne pouvait se faire sans la participation du grand public. Situé au cœur de Paris le Maif Social Club, un espace de 1000 mètres carrés, a ouvert en 2016. Dans ce lieu hybride, expositions, spectacles, débats et ateliers permettent au groupe de mesurer la réponse du public à des sujets qui auront des répercussions sur l’offre de couverture de la marque. Intitulés « Repenser la mobilité du futur », « Réinventer nos manières d’habiter », ou encore « Répondre aux enjeux de la transmission », ils portent globalement sur la consommation de demain. L’ambition de ce « club » rejoint celle de tous les fablabs : « Valoriser les idées nouvelles, en se donnant les moyens de les tester ».