Avant hier, le Président Macron annonçait un prolongement des mesures de confinement jusqu’au 11 mai. Date à laquelle un déconfinement progressif se mettra en place pour nous amener jusqu’à la rentrée de septembre, voire un peu plus loin.
Sur le front de la progression de l’épidémie, les nouvelles sont plutôt rassurantes. Si l’on regarde nos exponentielles, ça monte toujours.
Fig. 1 : Total de personnes positives au virus au 15/04/2020 pour Italie, France, Allemagne, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis et Espagne. Echelles logarithmiques, filtrage
Les nombres continuent de croître, mais le combat tourne à l’avantage du corps médical
Si l’on trace le graphique en double échelle logarithmique des nouveaux cas par rapport au nombre de cas total, on obtient une image plus rassurante de la situation.
Fig. 2 : Nombre de nouveaux cas positifs au virus par rapport au nombre total de cas déclarés au 15/04/2020 pour Italie, France, Allemagne, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis et Espagne. Echelle logarithmique, filtrage
On peut clairement voir que presque tout le monde semble remporter le combat contre la progression géométrique de l’épidémie. La France oscille entre maitrise et reprise depuis plusieurs jours. Dans le même temps, les nouvelles provenant des milieux hospitaliers sont rassurantes puisque le nombre de patients admis en soins intensifs baisse de jour en jour.
Les mesures de confinement semblent donc porter leurs fruits dans tous les pays qui les ont mises en place, plus ou moins vite certes. Même les Etats-Unis semblent sur la voie d’un timide redressement de la situation, même si les valeurs sont très élevées.
Cette tendance se voit également sur les courbes non logarithmiques qui montrent les écarts de proportions entre les Etats-Unis et les pays d’Europe. Même l’Espagne qui a été très durement touchée est très loin des scores Américains. Le nombre de nouvelles infections journalier aux USA est 2,5 fois supérieur au maximum qu’a connu l’Espagne. Et encore une fois, les épidémies se propageant de proche en proche, la taille du pays ne compte pas vraiment. La densité de population là où émergent les foyers en revanche, compte énormément. Plus la densité est élevée, plus le nombre d’interaction quotidien de chaque personne infectée (qui constitue un foyer mobile) avec des personnes saines est élevé. Imaginez si l’on avait pu voir le virus dans les métros de Paris ou New-York ! C’est pour cela que les plus gros foyers sont bien entendu localisés dans les zones denses des pays touchés. Le Nord pour l’Italie, Madrid et Barcelone pour l’Espagne ou encore la région Parisienne pour la France et évidemment, New-York aux USA.
Fig. 3 : Nombre de nouveaux cas positifs au virus par rapport au nombre total de cas déclarés au 15/04/2020 pour Italie, France, Allemagne, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis et Espagne. Echelle linéaire, filtrage
Qu’en est il sur le front de la mortalité de la maladie ?
Le taux de mortalité de la maladie reste un mystère. Faute de recul suffisant, il est pour l’instant inconnu. Comme je le disais dans une précédente note, si son calcul est simple un fois que l’on connait de façon définitive le nombre de décès et le nombre de personnes ayant contracté la maladie, obtenir ces nombres est extrêmement compliqué. En effet, en l’absence de norme pour prendre en compte un décès (comorbidité veut dire deux causes simultanées, laquelle retient-on ?), et de dépistage systématique pour mesurer le nombre de personnes atteintes, pas de ratio, pas de taux de mortalité dans l’absolu. Si l’on ajoute à cela l’effet des soins (une personne bien soignée survit, aurait-elle survécu sans soins ?), on peut se dire que l’on n’est pas près de savoir.
Par contre, sur un périmètre donné, disons un pays, si les deux systèmes de comptage sont stables, que la qualité de soins reste également constante car le système de santé peut faire face et proposer à tous le même niveau de qualité de soin, on peut établir un taux de mortalité contextuel, et mesurer son évolution dans le temps. L’effet retard dû aux soins intensifs peuvent durer plusieurs semaines avant que le patient décède fait qu’il monte pendant plusieurs semaines puis se stabilise. On l’a vu en Chine, il s’est établi à 4% puis reste très stable.
Fig. 4 : Mortalité contextuelle vs jours après le dixième décès pour notre échantillon habituel (Italie, France, Allemagne, Suisse, UK, USA et Espagne), filtré.
Les taux en Europe semblent en voie de stabilisation. Nous avions prédit 13% pour l’Italie il y a une semaine, il semblerait que ce soit le cas, même s’il monte un tout petit peu encore. L’Espagne, par contre, dépasse la prévision de 10% en s’établissant à 10.5% et semble encore en croissance. En France, il semble s’infléchir vers 15.4%. Il est rassurant de le voir se stabiliser car cela veut dire que la qualité des soins ne se dégrade pas et même que l’on sauve plus de cas désormais. L’arrivée d’un remède efficace permettra de le faire baisser drastiquement. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Les USA sont atypiques. Le taux est assez bas (encore un fois, il dépend de la façon dont on compte donc il ne faut pas le prendre dans l’absolu ni le comparer avec celui des autres pays) mais il a démarré à 7% pour chuter à moins de 2% puis il monte depuis de façon linéaire. Espérons qu’une saturation du système de santé ne le fasse pas augmenter de façon importante, car vu le nombre de cas recensés, ça peut faire beaucoup de décès au final.
Fig. 5 : évolution de la mortalité et du nombre de cas en Italie, France et USA après le 1000ème cas de contamination.
Si l’on en croit ce que l’on a pu voir en Italie, le taux a mis environ 45 jours après le 1000ème cas de contamination constaté pour se stabiliser. C’est l’ordre de grandeur que nous avions trouvé avec la Chine (52ème jour après le 1000ème cas, 55ème après le 10ème décès). Si l’on porte une attention particulière au profil de la courbe, on voit qu’au 12 ou 13ème jour, on note une inflexion. C’est peut-être lié à la saturation du système de santé qu’a connu l’Italie du Nord avant cette inflexion et qui a menée à décréter le confinement le 9 mars, soit 9 jours après le 1000ème cas.
Mais l’objet est de se demander jusqu’où il va monter aux USA. Selon le profil Italien, il va falloir encore au moins une dizaine de jours pour que le taux américain se stabilise (on ne note pas pour l’instant de signe d’inflexion). A ce rythme, s’il ne connait pas une croissance spectaculaire comme celui de la France (qui est dû en réalité à un changement de méthode de comptage des décès en France avec le recensement des cas et des décès en EHPAD), il devrait au moins monter à plus de 5%. Avec plus de 600 000 cas recensés au moment où j’écris ces lignes, projeté dans 10 jours à environ 880 000 cas, ça fait un bilan de 44 000 morts à ce moment-là. Au passage, en faisant le même exercice avec la France (taux de mortalité stabilisé à 15.4% et environ 132 000 cas dans 10 jours) on arrive à un bilan de près de 20 000 morts le 26 avril.
Une autre inconnue de ce virus est son R-0 (nombre de contaminations moyen par personne contagieuse)
Il est à ce stade très compliqué de calculer le R-0 de SARS-COV-2. En effet, il est extrêmement dépendant de la densité et des usages sociaux des populations mais aussi de l’exhaustivité des détections. Or le SARS-COV-2 est extrêmement efficace. De nombreux porteurs ne sont même pas symptomatiques, il a une période d’incubation assez longue pendant laquelle il est contagieux, il semble bien survivre sur les surfaces qui nous entourent. Bref, son système de survie de l’espèce semble particulièrement abouti. Les civilisations latines, très tactiles, ainsi que la densité des centres urbains en Europe du Sud constituent un terrain d’expression parfait pour cette stratégie. Et on le constate avec les scores réalisés en Italie, en Espagne et en France. Les mesures de confinement décidées par les gouvernements ont pour but de modifier les comportements sociaux à risques pour limiter la propagation du virus dans les zones denses. Et ça semble porter ses fruits comme on l’a vu en début de cette note. Tout comme avec le taux de mortalité, on peut établir un R-0 local et en observer l’évolution. Ce R-0 est mathématiquement la raison de la suite géométrique que suit irrémédiablement le nombre de contamination, et qui nous donne ces courbes exponentielles que nous connaissons tous désormais. On peut le calculer bien entendu.
Fig. 6 : statistiques de pays de notre échantillon classés par R-0 décroissant.
Ce R0 calculé est l’exposant de la courbe exponentielle mesurée. On constate qu’il s’établit entre 1.09 pour la Suisse et 1.23 aux USA. A titre de comparaison, le R-0 de la grippe saisonnière est entre 1.5 et 3 sans aucune mesure spéciale.
Voici la liste des 10 pays présentant le R-0 apparent le plus élevé. Ce sont ceux dont les exponentielles sont les plus pentues bien entendu.
Fig. 7 : Top 10 des pays classés par R-0 décroissant.
Ces comportements sociaux expliquent-ils l’incroyable résistance des pays nordiques ?
Car il y a bien un cas particulier avec les pays nordiques.
Fig. 8 : graphique en double échelle logarithmique de Suède, Danemark, Hollande et Norvège, avec France et UK pour comparaison.
Tous ont maitrisé très rapidement et maintenu à des niveaux très faibles l’épidémie.
Et bien entendu, les cas de décès de Covid-19 sont très peu nombreux.
Fig. 9 : graphique en échelle linéaires du nombre de décès en Suède, Danemark, Finlande et Norvège en fonction du nombre de jours après le 10ème décès.
On retrouve bien nos exponentielles, mais à des niveaux bien plus faible puisque la Suède, devant les autres arrive à 988 décès.
Fig. 10 : graphique en échelle linéaires de la mortalité apparente en Suède, Danemark, Finlande et Norvège en fonction du nombre de jours après le 10ème décès.
On note sur les courbes de mortalité que la suède semble en maitrise du taux de mortalité probablement car c’est celle qui a le plus de cas, et une dizaine de jours d’avance sur les autres dans la progression de l’épidémie.
Fig. 11 : Taux de mortalité contextuel en échelle linéaire pour les pays nordiques, avec France et UK pour référence et fonction du nombre de jours après le 10ème décès. Filtrage
On remarque bien sur ce graphique le décalage entre les pays quant à l’arrivée de l’épidémie.
Ce phénomène apparait sur cette animation de l’évolution du nombre de nouveaux cas par pays en fonction de la date.