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Quelle contribution des holdings aux dynamiques d'innovation des groupes ?

1 Repensez le rôle de la maison mère dans l’innovation du groupe

Pas d’innovation sans fonds : vers l’optimisation des liquidités par les grands groupes

Pas d’innovation sans fonds : vers l’optimisation des liquidités par les grands groupes.  

Comment objectiver les motivations des allocations de ressources en cas de cash pooling suscitant parfois l’incompréhension des dirigeants de filiales ? Comment éviter le risque de bureaucratie des réglementations nationales et européennes sur l’intégration fiscale, les prix de transfert et les marchés de capitaux ?

 

La valeur ajoutée de financement du groupe incarnée par la maison mère est un facteur clé de compétitivité des filiales. Nerf de la guerre du développement, la finance de groupe présente un levier important par rapport aux moyens dont dispose une filiale.

 

QUEL FINANCEMENT INTERNE POUR L’INNOVATION ?

Cash pooling physique : une vision intégratrice de la gestion des liquidités d’un groupe consiste à :

« Remonter systématiquement les bénéfices et pertes des filiales sur un compte centralisateur de la maison mère. »

Cette solution répond à une inadéquation potentielle entre les besoins de financement (pour les projets de développement) et les capacités d’autofinancement des filiales concernées. Si celles-ci sont insuffisantes, les projets critiques qui y sont logés peuvent être financés en « remontant » les surplus d’autres filiales dont les projets ne sont pas nécessairement jugés critiques.

Cash pooling notionnel : une variante consiste à

« Remonter uniquement l’information sur la situation de trésorerie des filiales à la maison mère, sans remontée physique des fonds. »

Le groupe est libre ensuite de réaliser tel ou tel transfert.

L’autofinancement :

« Les filiales sont responsabilisées sur le financement de leurs investissements et s’efforcent de gérer leur développement sans compter sur le groupe, dans un mode entrepreneur. »

Leurs moyens sont alors réduits mais présentent l’avantage de ne pas faire l’objet de justifications longues auprès d’un « comité des engagements » de niveau maison mère.

 

Dans les cas de cash pooling, l’intégration du cash permet, au niveau du groupe, de financer les innovations les plus « prometteuses » sans recourir au financement externe local et sans diminuer inutilement la capacité d’emprunt du groupe. Dans l’autre cas, l’autofinancement libère l’initiative innovante mais se heurte à une possible limitation du développement de l’innovation (frais de développement, financement du besoin en fond de roulement, etc.). Les usages sont donc différents en fonction du cycle d’innovation de la filiale.

 

VERS UNE FISCALITE TOUJOURS PLUS OPTIMISEE ?

L’optimisation fiscale consiste à : « agréger les résultats des sociétés du groupe après élimination des conséquences fiscales des opérations internes. »

La possibilité de compenser les profits et pertes respectifs d’entités distinctes est la raison d’être de ce régime d’intégration fiscale.

Les filiales ne participant pas à l’intégration fiscale évitent une lourdeur administrative (mise en place de conventions de répartition de l’impôt, appréciation des conséquences de chaque opération sur le groupe, modalités déclaratives complexes) peu compatible avec une volonté d’agilité de l’organisation.

Dans le premier cas, les transferts de déficits sont reportés au niveau du groupe. Dans ce second cas, la loi restreint les possibilités de transferts de déficits lors d’opérations de restructuration et définit de nombreux cas de changements d’activité entraînant la perte des reports déficitaires.

 

Tendance :

Les avantages liés au régime d’intégration fiscale sont en voie de suppression, notamment sur les distributions intra-groupes, sous le coup des initiatives françaises et européennes. Ainsi la double imposition des profits réalisés à l’étranger puis rapatriés en France devient une menace pour l’attractivité des centres de décision en France et dans certains pays européens.

 

LA CESSION D’INNOVATION EN INTERNE, VENDRE OU COLLABORER ?

Une politique groupe définissant un prix de cession interne fixe la valeur d’un bien ou service échangé entre deux business units ou filiales dès lors que ceux-ci se comportent comme des centres de responsabilité (centre de coût, centre de profit, centre d’investissement, etc.). Parmi les méthodes employées, le coût standard complet ou la méthode du coût d’opportunité permet de localiser la performance car le prix est déterminé à l’avance (coût standard complet) ou le prix prend appui sur la valeur de remplacement sur le marché (coût d’opportunité). La politique de prix de cession interne (ou prix de transfert) influence donc fortement la répartition du profit entre les filiales du groupe.

Une vision opposée laisserait les filiales décider en gré à gré des échanges de biens et services sur la base de la coopération. Une ligne de produit devant passer par 3 filiales (production, logistique, vente…), le plus souvent dans un contexte international, ne peut donc se passer d’une politique de prix de transfert. L’absence de prix de transfert se justifie dans des groupes diversifiés sans synergie réelle.

Dans le premier cas l’application d’un prix de cession interne permet de motiver les entités vendeuses à échanger auprès d’entités acheteuses leur savoir-faire sans dépossession car ce savoir-faire sera valorisé voire rétribué sous forme de marge. Dans le second cas, l’absence de prix de transfert décharge les managers de la lourdeur administrative (documentation sur les prix dans les 6 mois suivant leur déclaration fiscale).

 

Tendance

La loi Sapin 2 de transparence de la vie économique prévoit la réduction du seuil à partir duquel les entreprises sont soumises à l’obligation de déclaration des prix de transfert : chiffre d’affaires de 400 millions d’euros réduit à 50 millions d’euros.

 

L’ACCES PRIVILEGIE A DES SOURCES DE FINANCEMENT EXTERNES

La maison mère a pour vocation d’organiser un accès privilégié à des sources de financement externes quel que soit le cycle de développement des entités. C’est d’autant plus important pour des activités de développement que des business units ou filiales émergentes ne peuvent justifier, en matière d’innovation, d’un retour sur investissement suffisant pour les banques de proximité. L’autonomie des filiales en matière de financement permet de gérer des relations avec les marchés financiers locaux mais ne joue pas sur l’effet de levier de taux ou de liquidité de marché plus favorable.

« L’appartenance à un groupe permet d’accéder à une solidité financière supérieure et donc à des taux d’intérêt plus favorables pour des projets de développement risqués. »

 

Tendance

La Commission Européenne, en septembre 2016, annonce vouloir accélérer la finalisation du plan d’actions pour une Union des Marchés de Capitaux (UMC), portant des enjeux de communication financière sur les facteurs de risques et d’amélioration du marché obligataire pour faciliter l’accès aux financements intra-européens. Ce mouvement renforce l’intérêt du recours à la maison mère sur ces sujets.

 

CAS D’ÉTUDE : CHEZ AIR LIQUIDE, L’I-LAB VISE À PRÉVENIR UNE POSSIBLE «UBÉRISATION» DU GROUPE

Le groupe Air Liquide a développé l’i-Lab qui vise à accélérer l’innovation du groupe pour créer de la valeur à court terme, par le biais d’un prototypage rapide. A moyen et long terme, l’objectif est de faire de la croissance radicale par l’innovation, c’est-à-dire ouvrir de nouveaux marchés qui ne sont pas forcément ceux sur lesquels Air Liquide, leader mondial des gaz, technologies et services pour l’industrie et la santé, est attendu.

25 personnes composent l’i-Lab et il n’y a pas de « profil-type ». La force de la structure est dans la diversité, entre doctorants et entrepreneurs, ceux plutôt experts en sciences dures, ceux en sciences sociales… autant d’hommes que de femmes et huit nationalités différentes. Pour éviter de perdre le fil, l’i-Lab fonctionne de manière bicéphale : une partie de l’équipe donne le cadre, les directions, les territoires qui font sens pour le groupe, tandis que l’autre travaille plus sur les projets et leur expérimentation. Pour tous, la question à garder en mémoire est la même : « Quelle est l’opportunité de marché sur laquelle je vais m’appuyer ? ».

L’i-Lab travaille avec toutes les branches d’activités. Ses équipes effectuent une veille qui vise à déterminer quels pourraient être les nouveaux groupes susceptibles de venir sur les marchés d’Air Liquide, et quel pourrait être leur impact.

En résumé, l’équipe se demande si un acteur ne va pas venir se « placer » entre Air Liquide et le client.

Une équipe de trois personnes se consacre à cette tâche. Ils sont dans une démarche « d’attaquants » dont le rôle est de définir les modèles qui pourraient mettre en danger, cannibaliser, en quelque sorte, les différentes branches.